Il est de coutume chez-nous, que la personne qu'on décide d'épouser soit validée par le père, la mère, et dans une certaine mesure par toute la famille.
Ce qu'il faut comprendre, c'est que le mariage est bien chez-nous l'union de familles, et ne se limite pas intrinsèquement à l'union de deux êtres, fussent-ils bien qu'ils s'aiment énormément et sont heureux ensemble. Pour commencer, on ne leur demandera que rarement s'ils sont bien ensemble. En effet, lorsque vous parlez ou voulez parler de l'autre à votre parent (père ou mère), les toutes premières questions sont souvent dans les lignes, de quelle confession religieuse est-elle? de quelle ethnie est-elle? et rarement, pour ne pas dire jamais, on ne vous demandera si vous vous aimez.
J'entends bien que l'on peut croire que s'unir avec les siens, comprendre les gens de même communauté, de même religion, peut mener au bonheur, car ils sont sensés se comprendre, ils sont sensés avoir la même vision des choses, ils sont sensés avoir les mêmes principes. Mais d'un autre côté, ce que ces croyances ignorent, en fait pas ce que ces croyances ignorent, mais ce qu'elles occultent, c'est que c'est très raciste de ne vouloir que des mariages communautaires, qui de surcroît ne sont toujours pas fondés, à mon avis, sur l'élément essentiel à toute réussite d'un mariage: l'amour. C'est ainsi que l'on continue à voir des mariages entre cousins et cousines, des mariages ethnocentriques, et que l'on voit moins des mariages mixtes. Et c'est ainsi que nos parents conduisent inéluctablement leurs enfants à la misère. Une misère existentielle. Une misère amoureuse. Une misère sociale.
On peut donc se demander pourquoi ces pratiques existent toujours. Une première explication serait peut-être dûe au fait qu'à une époque, ces pratiques étaient coutume, probablement à cause d'une certaine sédentarité des communautés. Les gens ne se déplaçant pas énormément, on peut concevoir qu'il est difficile de faire des rencontres en dehors de sa communauté, ajouté à cela le fait que, dans une même zone, ce sont souvent les personnes d'une même tribu, d'une même coutume, d'une même ethnie, etc. Une deuxième explication pourrait être un peu plus pratique. Lorsque deux personnes de culture différente s'unissent, il y a certaines questions qui deviennent alors inévitables. Par exemple, lors des réunions familiales, comment s'accomoder à la culture d'autrui? Comment s'y sentir à l'aise si même on ne comprend pas la langue parlée? Comment serons-nous perçus par les autres? Faut-il abandonner une partie de soi? Que va advenir de la progéniture?
Cette dernière question est, à mon avis, d'une importance capitale, de façon consciente ou inconsciente. Car les enfants issus de l'union seront eux aussi confrontés à la réalité qui est leur, c'est-à-dire ils doivent juguler entre deux cultures différentes. Comment le vivront-ils? Que faire pour qu'ils se sentent à l'aise, doublement? Dans le meilleur des cas, ils n'auront aucun mal à intégrer les deux cultures et sauront transitionner d'une à l'autre sans difficulté apparente, dans un moins bien meilleur cas, ils adopteront ou seront plutôt tournés vers l'une des cultures, et dans le pire des cas, ils vont se retrouver totalement désemparés. Ces difficultés inhérentes à l'union de deux personnes de culture différente va bien au delà des communautés d'un même pays (qui au moins sur relativement pas mal d'aspects se comprendront), car c'est tout autant les mêmes réalités lorsqu'il s'agit d'union de personnes de contrées totalement différentes, comme par exemple un guinéen et une éthiopienne, ou encore une guinéenne et un australien.
Mais alors à ces différentes questions, pouvons-nous opposer une vision plus humaniste? Aujourd'hui, quand bien même il est difficile de définir une zone géographique à une communauté donnée (on voit bien de toutes ethnies dans presque toute zone géographique), nous pouvons bien évidemment être malinké ou forestier et passer toute sa vie à conakry par exemple, qui est la ville la plus cosmopolite de la Guinée. Faut-il dans ce cas s'interdire toute relation avec des personnes qui ne seront pas de notre communauté? Demandez aux parents musulmans, pourquoi leur fils ne doit pas marier une fille d'une autre confession religieuse. Demandez aux parents d'une certaine ethnie, pourquoi leur fils ne doit pas marier une fille d'une autre ethnie, et vice-versa. Demandez aux parents, pourquoi leur fils ne doit pas marier la fille qu'il aime et qui l'aime. A ces questions, que des élucubrations (pas toujours mais très souvent).
Et si ces difficultés apparentes étaient plutôt l'occasion de s'enrichir, en s'autorisant de découvrir davantage de choses que ce dont nous avons forcément l'habitude. Dans ces cas, et si on adoptait une ouverture d'esprit pour embrasser les différences de l'autre, au lieu d'y voir des sources de problèmes. L'humanité va bien au-delà de notre communauté. Accepter les diversités et les différences de l'autre, c'est signe d'une culture du vivre ensemble où ce qui nous guide sont les bons principes et les bonnes valeurs, et ces éléments ne sont bien évidemment pas spécifiques à une communauté donnée, mais bien partagés par toute l'humanité. Matérialiser donc cet état d'esprit par l'acceptation de mariage mixte est au moins égal, sinon meilleur que l'acceptation d'amitiés mixtes ou autres du même ordre. Et puis de toute façon, dans un mariage c'est bien plus les deux premiers concernés qui doivent s'accepter, car c'est bien eux qui vivront sous le même toit, et des réunions familiales s'il y en a sont bien plus rares. Dans un tel cas, ce qui est moins prévisible, c'est quelle va être l'influence de l'un sur l'autre, ce qui peut être aussi un point de méfiance. Que la famille accepte l'autre, et que l'autre accepte la famille, voilà qui pourrait être une source de tranquilité dans un mariage heureux.
Alors, il serait prétentieux de ma part de dire que tous ces mariages communautaires échouent. Mais combien de miséreux avons-nous créé avec ces considérations? Des mariages complètement ratés, aux unions qui n'ont pas eu lieues, je vous laisse imaginer la suite. Et loin de moi l'idée d'encourager un reniement de nos coutumes, ou une insurrection contre qui que ce soit, mais ne serait-il pas mieux de mettre certaines de nos pratiques en perspective? Les temps changent, les sociétés évoluent, et avec, les personnes, ces mêmes qui sont en réalité bien plus que juste leur communauté. Peut-être cela ne ferait pas de mal que certaines pratiques suivent aussi.
Alors chers parents, svp, cessez de tuer le bonheur de vos enfants, en leur envoyant dans une forme de prison, pas forcément moins pire que les prisons classiques que l'on connaît.